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Vainqueur du dieu du jour, dans la nature entière
Semble éteindre aujourd’hui la vie & la lumière.
O terrible ouragan, suspendez vos fureurs.
O campagne, ô nature, ô théatre d’horreurs !
Quoi ! D’un pere adoré l’univers est l’ouvrage,
Il chérit ses enfants, & voilà leur partage !
Le Soleil sans paroître avoit fini son tour,
Et la nuit succédoit aux ténèbres du jour ;
J’entendois les combats de Neptune & d’éole ;
J’étais seul, éloigné de l’ami qui console,
Et d’un peuple léger, qui du moins un moment,
Dissipe de nos maux le triste sentiment :
Je me trouvois alors dans ma retraite obscure
Abandonné de tous, en proie à la nature ;
L’image des débris du monde dévasté,
D’un ciel tumultueux la sombre majesté,
Les ténèbres, les vents, augmentoient ma tristesse ;
Je cherchois un appui qui soutînt ma foiblesse,
Qui donnât quelque joie à mon cœur opprimé,
Et rendît l’espérance à ce monde alarmé ;
A travers ce cahos, dans ce désordre extrême,
Mon cœur épouvanté cherchoit l’être suprême.
Cependant au milieu de ces grands mouvements
La nature imposa le calme aux éléments.
L’orage avoit tari le vaste sein des nues ;
Déjà se divisoient leurs ondes suspendues ;
Le globe de la nuit d’étoiles entouré,
Montoit sur l’horison, d’un jour pâle éclairé ;
Les nuages légers fuyants dans l’air humide,
Sembloient entraîner tout dans leur ombre rapide :
On voyoit les forêts & les monts s’ébranler,
Et dans l’air incertain les astres osciller.
Ce bruit sourd, qui précède & qui suit les orages,
Expiroit dans les bois & le long des rivages.
Je sentois se calmer le trouble de mon cœur ;
Mon esprit s’élevoit au sein de son auteur ;
Je suivois la nature en ses métamorphoses,
Et cherchois les rapports des effets & des causes ;