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LES SAISONS.

L’HIVER.

 
QUel bruit s’est élevé des forêts ébranlées,
Du rivage des mers, & du fond des vallées ?
Pourquoi ces sons affreux, ces longs rugissements,
Ce tumulte confus, ce choc des éléments ?
O puissance féconde ! ô nature immortelle !
Des êtres animés, mère tendre & cruelle !
Faut-il donc qu’aux faveurs dont tu les as comblés
Succèdent les fléaux dont ils sont accablés ?
Le fougueux aquilon déchaîné sur nos têtes,
Sous un ciel sans clarté promene les tempêtes ;
Il mugit dans les bois, & sur les monts déserts ;
En tourbillon rapide il tourne sur les mers ;
Il étend, il resserre, il fait fondre les nues ;
Les champs ont disparu sous des mers inconnues ;
Sur les eaux qui tomboient le ciel verse des eaux ;
Les torrents sont pressés par des torrents nouveaux.
Ce fleuve qui s’élance & franchit la prairie,
Porte au penchant des monts son onde, & sa furie ;
Et des arbres tombés, des hameaux renversés,
Il roule dans son sein les débris dispersés.
Quel ravage effrayant des asyles champêtres !
Quel désordre étendu regne sur tous les êtres !
Le monde est menacé du retour du cahos,
Et l’humide élément vainqueur de ses rivaux,