Page:Saint-Lambert - Les Saisons, 1769.djvu/113

Cette page n’a pas encore été corrigée

Voyez-vous ces oiseaux s’élancer des vallées ?
Les airs sont obscurcis par leurs troupes ailées ;
Ils se sont rassemblés au retour des frimats ;
Ils erroient dispersés, lorsque dans nos climats
Ils jouissoient en paix des dons de la nature ;
Contents, ils vivoient seuls. La faim & la froidure,
La crainte & la douleur les ont unis entre eux ;
A côté l’un de l’autre, ils sont moins malheureux ;
C’est le sort des humains rassemblés dans les villes.
Partons, retirons-nous, dans ces communs asyles.
C’est-là qu’un peuple aimable, au sein d’un doux loisir,
Sçait donner, en tout tems, & prendre du plaisir ;
C’est-là que l’amitié soutient l’ame affoiblie,
Console ses langueurs, y rappelle la vie.
O divine amitié, j’implore ton secours :
Viens me faire oublier les charmes des beaux jours,
Ces paisibles hameaux, temples de l’innocence,
Ces jardins, ces vallons que j’aimai dès l’enfance ;
Dissipes mes regrets dans tes doux entretiens ;
Viens me rendre plus vif le sentiment des biens ;
S’il en est que le ciel me refuse à moi-même,
J’en jouirai du moins dans les mortels que j’aime.
Je verrai les amis les plus chers à mon cœur ;
O B** je verrai ta gloire & ton bonheur ;
J’entendrai célébrer ta vertu bienfaisante,
Ton ame toujours pure & toujours indulgente,
Ta valeur, ta raison, ta noble fermeté,
Ton cœur ami de l’ordre, & juste avec bonté.
Je verrai la compagne à tes destins unie
Embellir ton bonheur, féconder ton génie ;
Je verrai pour tous deux croître de jour en jour
Du public éclairé le respect & l’amour.
Vos succès, vos plaisirs, votre union charmante,
Ce spectacle si doux de la vertu contente,
Me tiendront lieu de tout, & sans les regreter
Je perdrai les plaisirs que l’hiver va m’ôter.