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Déja l’heureux Lindor & Lisette charmée
Tranchent au même sep la grappe parfumée ;
Ils chantent leurs amours, & le dieu des raisins ;
Une troupe à ces chants répond des monts voisins ;
Le bruyant tambourin, le fifre & la trompette,
Font entendre des airs que le vallon répète.
Le rire, les concerts, les cris du vendangeur
Fixent sur le côteau, les regards du chasseur.
Mais le travail s’avance, & les grappes vermeilles
S’élevent en monceaux dans de vastes corbeilles ;
Colin, le corps penché sur ses genoux tremblants,
De la vigne au cellier les transporte à pas lents ;
Une foule d’enfants autour de lui s’empresse,
Et l’annonce de loin par des cris d’allégresse.
Cependant le raisin sous la poutre est placé ;
Un jus brillant & pur dans la cuve est lancé ;
D’impatients buveurs y plongent la fougère,
Où monte en pétillant une mousse légère.
Mais je vois sur les monts tomber l’astre du jour ;
Le peuple vendangeur médite son retour ;
Il arrive, ô Bacchus, en chantant tes louanges ;
Il danse autour du char qui porte les vendanges ;
Ce char est couronné de fleurs & de rameaux,
Et la grappe en festons pend au front des taureaux.
Les excès du plaisir, la joie immodérée,
Les chants, & les festins, terminent la soirée ;
Le rire à longs éclats est souvent répété,
Et le cris qui l’exprime ajoute à la gaité ;
Bacchus a déchiré les voiles du mystère ;
Chacun d’eux au grand jour produit son caractère ;
Ils sont tous contents d’eux, du sort, & des humains ;
Là, des rivaux unis, un verre arme les mains.
Tu suspends, ô Bacchus ! La haine & la vengeance,
Tu fais régner l’amour, tu répands l’indulgence.
Deux vieillards attendris se tiennent embrassés ;
Tous deux laissent tomber des mots embarrassés ;