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Il a d’autres tableaux & plus intéressants ;
Il voit l’homme ingenu, ses plaisirs innocents ;
Le respect pour les dieux, la vérité champêtre,
La douce égalité de l’esclave & du maître,
L’amour & l’amitié dans leur simplicité,
Le mêlange des mœurs & de la volupté.
Il voit le vrai bonheur, & le trouve en lui-même ;
Son cœur toujours content de l’épouse qu’il aime,
S’il a quelque chagrin, n’en peut être opprimé ;
Il oppose au destin le plaisir d’être aimé.
C’est aux champs que l’hymen unit des cœurs sincères,
Et n’est point profané par des feux adultères ;
Là, l’époux accablé sous le fardeau des ans
Presse encor sa moitié dans ses bras languissants,
Là regnent la pudeur, la concorde, l’estime,
Et l’amour entouré des vertus qu’il anime.
Eh ! Quel plaisir encor pour ces époux heureux
D’élever dans leur sein les gages de leurs feux !
De voir à leur instinct succéder la pensée,
D’éclairer, de hâter leur raison commencée ;
De guider leurs penchants, d’épurer, de former
Ces cœurs que la nature instruit à les aimer !
L’épouse à ses enfants voit les traits de leur père,
Et l’époux trouve en eux les charmes de leur mère.
Quelquefois entraîné dans leurs bras caressants
Il prend part, sans rougir, à leurs jeux innocents ;
La mère lui sourit, & le grouppe autour d’elle
La force d’épancher la pitié maternelle.
Avant que l’art de plaire eût remplacé les mœurs,
Quand l’utile & le grand conduisoient aux honneurs,
Vos aïeux, leur dit-on, au bien de la patrie
Immoloient leur repos, leur fortune & leur vie ;
Ils vivoient à la cour, sans nuire, & sans flatter ;
Avant d’en obtenir, ils vouloient mériter ;
Sans s’abaisser alors à de vils artifices,
Ils nommoient des aïeux, & citoient des services.
On vante, en leur présence, un mortel généreux
Dont le cœur bienfaisant s’ouvrit aux malheureux ;