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O vous, jeunes guerriers, noble sang des héros,
Venez fuir, dans nos bois, les dangers du repos ;
Développez en vous la force & le courage ;
Préludez aux combats dont nos jeux sont l’image ;
Bravez la faim, la soif, l’inclémence des airs,
Combattez, foudroyez, les tyrans des déserts :
Ils pourroient aux humains disputer la nature,
Et nos riches moissons deviendroient leur pâture ;
Allez, par vos exploits, du champ qu’il a semé
Assurer la récolte au pauvre désarmé ;
Lancez vos traits vengeurs sur ces monstres sauvages,
Dont le cultivateur éprouva les ravages ;
Frappez ces loups cruels, de rage étincelants,
Emportant ces agneaux déchirés & sanglants ;
Percez le sanglier qui court avant l’aurore
Renverser les sillons, où le bled vient d’éclore ;
Signalez par ces coups votre âge & vos loisirs,
Et servez la patrie en courant aux plaisirs.
N’imitez pas ces grands, ces nobles inutiles,
Qu’énervent la mollesse, & le luxe des villes ;
Voyez-les s’avilir, & prétendre aux honneurs,
Esclaves des Phrinés dont ils ont pris les mœurs ;
De frivoles devoirs, fatigués sans les suivre,
Accablés du soin d’être, & du travail de vivre.
O funeste loisir ! ô poids affreux du tems !
Vous n’êtes point connus du citoyen des champs ;
Il sçait du jour qui passe employer la durée ;
A des devoirs aisés sa vie est consacrée ;
Le repos n’est pour lui que le délassement ;
La chasse ou le travail, les soins, le mouvement
Entretiennent en lui cette chaleur active
Que refuse l’automne à la nature oisive.
Sans entraves, sans maître, & libre de choisir
Les moments du travail, du repos, du plaisir,
Il dispose à son gré tout le cours de sa vie.
Heureux ! Qui sans pouvoir au sein de sa patrie
N’impose qu’à lui seul d’en respecter les loix,
Et dérobant sa tête au fardeau des emplois,