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Chaque parti se donnait l’avantage.
Enfin le jour découvrit le carnage.
Les champs, de morts étaient par-tout couverts,
Hommes, chevaux, étendus pêle-mêle !
De flots de sang la plaine au loin ruisselle,
Et des tronçons des homicides fers,
De tous côtés le rivage étincelle.
L’astre du jour quitte à regret les mers.
Telle en hiver, après ces nuits palpables,
Où d’Eolus les sifflets importuns
Semblent vouloir éveiller les défunts ;
Une dévote, en conjurant les Diables,
Quitte son lit, où les fils de Vénus
Nichaient jadis à côté des agnus,
Puis endossant sa maternelle cape,
Au premier bruit des cloches dans les airs,
Vole à l’église, avec son chien qui jappe,
Et son missel qu’elle tient à l’envers.
Elle aperçoit débris de cheminée,
Par Boréas à moitié ruinée,
Débris de Saint dans sa niche ébranlé,
Débris de toits, où le vent a sifflė.
Un pauvre hère a couché dans la rue ;
La vieille prie, et n’en est pas émue,
Et cependant d’indécens aquilons,
En folâtrant dans les saints cotillons,
Laissent lorgner au plaisant qui chemine,
D’autres débris sur lesquels il badine.
Charles campa sur le côteau voisin,
Et s’étendit jusqu’aux rives du Rhin.
Monsieur Ebbo, de qui la prophétie,
Par le succès se trouvoit démentie,
Vint à son tour complimenter Charlot,
En lui disant que sa valeur extrême,
En ce moment triomphait du Ciel même.
Marcel lui dit : « Vous, vous êtes un sot ».
Ebbo repart : « Vous êtes un profane ».