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« On ne voit point chez nous de ces forfaits ;
« Vos crimes sont payés par des succès,
« Et nos vertus se payent d’amertume.
« Mon Dieu, plus grand sans doute que le tien,
« Me dit de plaindre et d’aimer le Chrétien.
« Jamais le sang dans ses Temples ne fume ;
« Par la Nature il a dicté sa loi ;
« Elle nous dit que le bien est la foi ;
« Que l’innocence et la pitié du sage
« Sont un encens plus pur que le carnage,
« Et ce Dieu saint ne veut être adoré
« Que par un cœur où ce culte est sacré ».
Hélène vit une pauvre chaumière
Dans le vallon ; cabane hospitalière,
Elle y trouva quelques simples Bergers,
Par leur misère, à l’abri des dangers.
« Venez, dit-elle, au nom de la Nature ;
« Un Paladin est tombé près d’ici ;
« Lavez le sang qu’a versé sa blessure,
« Et de mon cœur n’ayez point de souci.
« Votre service aura sa récompense,
« Et si je meurs au milieu des combats,
« Le juste Ciel, qui tient dans sa balance
« Et les bienfaits et les noirs attentats,
« Se chargera de ma reconnaissance ».
Jà du soleil les premières ardeurs,
De Leucothée avaient séché les pleurs.
Hélène alors pique au travers la plaine,
Et vole au camp. La Guerrière incertaine
Sur le succès du combat de la nuit,
Tremble d’avoir des larmes à répandre
Sur les débris de son camp mis en cendre.
De son époux l’image la poursuit,
Et dans l’ardeur de sa course légère,
Sur son armet son carquois retentit,
Et son cheval fait voler la poussière.
Toute la nuit on avait combattu,
Sans distinguer le vainqueur du vaincu.