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« Ah ! disait-il, ces membres délicats
« Ne sont point faits pour l’horreur des combats !
« C’est à l’amour une injure cruelle !…
« Que me dis-tu. lâche ? répondai-elle ;
« Ose descendre, et tu sauras tantôt,
« Si cette main déshonore une épée.
« Elle se flatte, avec l’aide d’en haut,
« De se venger, et d’envoyer bientôt
« Dans les enfers ton ombre détrompée ».
Le palefroi, pressé par l’aiguillon,
Les emporta dans un secret vallon.
Hélène était de rage étincelante.
Et les lauriers sans elle moissonnés,
Et les guerriers de sa fuite étonnés,
Aiguillonnaient son âme impatiente ;
Contes d’amour le galant lui faisait,
Et le teton et le cœur lui pressait.
Bref, on entend un coursier qui s’élance.
Le Paladin, frappé d’un coup de lance,
Et presse Hélène, et la quitte en jetant
Un cri plaintif ; il tombe dans son sang.
Marc Hippolite avait vu fuir Hélène
Et le Guerrier ; son cœur vil et jaloux
Crut mettre à prix le plus lâche des coups.
Le jour déjà descendait dans la plaine,
Hélène voit Lesdiguière mourant,
Et l’assassin à ses pieds réclamant
Le prix honteux d’un service coupable.
« Oui, je consens, indigne Chevalier ;
« Oui, je consens, dit-elle, à te payer,
« Mais en lavant dans ton sang exécrable
« Le déshonneur d’une action semblable,
« En t’immolant à cet infortuné,
« Comme à mon cœur doublement indigné.
« Monstre, choisis ; je descends, ou remonte
« Ton palefroi ». Le perfide Guerrier,
Plein de regret, d’épouvante, et de honte,
Lui dit : Descends. En bas de son coursier