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Soumis et fier, esclave et tout-puissant,
Toujours le même et toujours différent,
Son empire est celui de la Nature :
Et je serais, après cette peinture,
Très-fort tenté de le croire, ce Dieu,
Âme de tout, tout entier, en tout lieu.
Dans les replis de sa robe azurée
Brillaient en l’air, d’un infernal éclat,
Priape en froc, et l’Intrigue en rabat,
L’Hypocrisie à la langue dorée,
Dogmes, erreurs, vertiges, préjugés,
Faux point d’honneur, l’un par l’autre égorgés ;
Près d’elle était ce spectre de fumée,
Nommé la Gloire ; il tenait un laurier
Que poursuivaient le cuistre et le guerrier ;
Devant leurs pas marchait la Renommée,
Et cependant notre Empereur Charlot
Criait d’un air glorieusement sot :
« Amis, corbleu, vive France ! Allons boire ;
« Dans un moment, nous avons la victoire ;
« Le voyez-vous ? l’aide nous vient d’en haut ».
Sur son cheval, Hélène, moitié nue,
Livrait aux coups une cuisse dodue,
Des bras d’ébène, une gorge de lait ;
Et courageuse, au travers la mêlée,
À mille morts sans peur s’abandonnait.
Des Paladins la tête fut troublée
À son aspect, et ses nouveaux appas,
Sur tous ces fous faisaient plus que son bras.
Ils la suivaient, et leur main, de sa tête,
De mille coups écartait la tempète.
Notre Amazone à leurs soins complaisans
Ne répondait que par des coups pesans.
L’audacieux et plaisant Lesdiguière
Lui saute en croupe, et de ses bras nerveux
Rend superflus ses efforts vigoureux,
Pique des deux la monture légère,
Et par la plaine emporte la guerrière.