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« D’avoir aimé l’ouvrage de ses mains ?
« Non ; j’aime Nice, et d’un amour extrême ;
« J’aime ses yeux, passagers, mais charmans,
« Et tous les Saints, mon bon ange, et vous-même,
« Forniqueriez si vous aviez des sens. »
L’ange repart : « Mon filleul, que tant j’aime,
« Si forniquez, et point ne conservez
« Votre innocence et rose de baptême,
« Et pour le Ciel si peu vous soupirez,
« Songez au moins à ce que vous devez
« Au ciel, à Charle, à votre oncle, à vous-même,
« Point ne sentez cette onction suprême,
« Cet avant-goût de la gloire des Saints,
« Et ne voulez que des motifs humains.
« Eh bien, sachez que la guerre présente
« Dépend en tout de votre oncle Turpin.
« Les yeux sur vous, la France est dans l’attente,
« Pour découvrir son coupable destin.
« Songez aux maux qui tombent sur la France,
« Au déshonneur qui va vous menaçant,
« Tant qu’il vivra dans son impénitence. »
« Mon cher Gardien, reprit Antoine Organt,
« Veuillez me dire où mon bon oncle pèche,
« Ou donnez-moi cet astre bienfaisant
« Qui conduisit les Bergers à la crèche,
« Et mettrai fin aux maux du peuple franc.
« Si j’étais Dieu, pour un chétif, un homme,
« Me garderais de proscrire un royaume ;
« Et Dieu nous doit pardonner bonnement,
« S’il est meilleur encor qu’il n’est méchant. » >
L’Ange comprit que la grâce divine
Y ferait plus que toute sa doctrine.
Comme il allait la fiole verser
Droit sur son chef, Nice vint à passer.
On ne dit point pourquoi passait la Belle.
Elle courait ; Organt court après elle,
Et plante là, plein de confusion,
L’Ange perclus, de qui l’effusion