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Il dissipa de son souffle divin,
De Diabloteaux un sémillant essaim,
Qui le bernait, dansait sur ses épaules,
Et ricanait autour de ses fioles.
En soupirant d’un air sanctifié,
Il prononça ces benoites paroles,
Avec un ton d’amour et de pitié.
« Mon enfant cher, je viens vous prêter aide,
« Et vous tirer des griffes du Malin ;
« Car votre cœur bien làchement lui cède,
« Et certain feu brùle dans votre sein,
« Feu qui n’est pas celui d’amour divin !
« Vous soupirez pour des Beautés mortelles
« De qui l’éclat est si frêle et si vain,
« Et que les vers dévoreront demain.
« Connaissez mieux les beautés éternelles :
« Ces culs si ronds, si fermes, et si blancs,
« Dans le tombeau vont bientôt se dissoudre,
« Se consumer, et ne seront que poudre ;
« Ces yeux remplis de charmes séduisans,
« Se sécheront comme la fleur des champs ;
« Ces blancs tetons, dont la forme est si belle,
« Ou qui, du moins, mon fils, vous semble telle,
« Vont s’éclipser dans la nuit du trépas !
« Oui, dit Organt, c’est une loi cruelle,
« Mais qui devrait respecter tant d’appas.
« Affreuse Mort, sous ta faux tout succombe,
« Tu détruis tout, trônes, palais, cités ;
« Ton bras cruel, dans l’oubli de la tombe,
« Anéantit et rangs et dignités,
« Et les attraits des touchantes Beautés.
« La faulx du temps, tout frappe, tout enlève ;
« Tout finit, fuit, et passe en ces bas lieux.
« Que faire donc si la vie est un rêve ?
« Rêvons du moins que nous sommes heureux.
« Ce Dieu si grand, et sans doute équitable,
« Qui nous soumet à de tristes destins,
« Peut-il encor trouver l’homme coupable