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« Sans votre bras nous saurons nons défendre.
« Nous n’irons point au-devant des Gaulois,
« Mais fièrement nous saurons les attendre,
« Non pour fléchir et recevoir des lois,
« Mais soutenir et nos Dieux et nos droits,
« Et vous apprendre à nous rendre justice,
« Comme à rougir d’un pareil artifice. »
Le guerrier, plein de folie et d’honneur,
Étincelait de honte et de fureur ;
Mais le respect que l’on doit à son maître,
De cette fougue étouffa le salpêtre.
Il se retire écumant de dépit,
Impétueux, roulant dans son esprit
Tous les moyens de laver cet outrage,
Et dans sa tente il dévore sa rage.
Par ce discours, Hélène adroitement
Sut prévenir la fuite inévitable
De cent Héros utiles dans le camp,
Qu’entrainerait cet exemple honorable.
Le Salamane, en sa tente captif,
Vit quinze fois le jour et la nuit sombre
À l’Univers rendre le jour et l’ombre,
Sans que son cœur, atteint d’un poison vif,
Permit jamais à sa vue abusée
De se fermer sous les doigts de Morphée.
On ne voit plus ses palefrois légers,
D’un pied sonore atteindre le rivage,
Et de l’amour dédaignant le servage,
Le front mobile, appeler les dangers.
Ce n’était plus cette ardeur belliqueuse
Dont pétillait leur prunelle orgueilleuse ;
On ne voit plus ces flancs toujours pressés,
Ce crin ardent que la trompette agite ;
Mais languissans, et les regards baissés,
Tristes, pensifs comme ceux d’Hippolite,
Ils demeuraient, et la nuit et le jour,
Sourds à la voix de Mars et de l’Amour.