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Mais il s’endort, et n’en est pas meilleur,
Du sang du peuple il enivre son cœur.
Si, dans sa plate et sotte fantaisie,
Il avait eu quelque aimable folie !
Mais le vilain ne se repaissait pas
De la fadeur, des vices délicats.
Il aima mieux être un Sadanapale.
Et s’engourdit dans sa volupté sale.
La soif de l’or le gosier lui sécha ;
Pour en avoir, le peuple il écorcha.
Il eut de l’or, mais perdit, en échange,
Gloire et repos : le Ciel ainsi nous venge.
J’aimerais mieux, si j’étais le Sophi,
Manquer de pain, que de me voir haï.
Le peuple fuit, l’effroi qui l’environne,
Défend aux cœurs l’approche de son trône.
Le pauvre Sire avait une moitié
Que l’on nommait Madame Cunégonde,
Reine, autrefois les délices du monde ;
Elle devint sans remords, sans pitié,
Immola tout à sa rage lubrique,
Vit les forfaits avec un œil stoïque.
Charles du moins, tranquille, regardait
Les maux présens ; la furie en riait,
Et maudissait la pauvre espèce humaine,
Qu’on maltraitait avec autant de peine.
Mais je m’éloigne ici de mon objet ;
Je moralise, et j’aurais bien mieux fait
De vous conter les gauloises prouesses
Des Paladins et leurs nobles maitresses,
De déplorer le péché de Turpin,
De le chercher, ou de vous dire enfin
Ce qui se passe au camp de Vitikin.
Quand ce Héros partit pour Herminie,
L’on tint conseil, et le jeune Hydamant
Leur dit : « Saxons, votre armée affaiblie
« À plus besoin de repos à présent,
« Que de lauriers achetés par du sang.