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Changeons ces pieds, et ce poil qui démange.
Le tout changea. Partant elle hésitait
Si, pour le reste, elle le changerait.
Grand’peine c’est, lui dit enfin la Belle ;
Mais cette bague est d’une vertu telle,
Que sur le reste elle n’a point d’effet,
Étant bénite ; et Linde larmoyait !
« À mon bonheur, je passe cette clause ;
« J’aurai du moins ces yeux bleus, ce beau tein,
« Ces bras mignons, et ces lèvres de rose,
« Et ce sein blanc à presser sur mon sein. »
Sornit partant, redevenu lui-même,
A cela près, usait bien tendrement
Des droits d’un âne et des droits d’un amant.
Oh ! qu’il est doux d’être âne cependant
Entre les bras du faible objet qu’on aime !
Linde éperdue, à ce qui la blessait
Voulait toucher, et pourtant ne touchait.
Heureux amans, je vais quitter votre Isle,
Bien qu’à regret ; ma Muse, une autre fois,
Viendra s’asseoir à l’ombre de vos bois,
Lorsque sa lyre, aux meurtres inhabile,
Lasse sera des querelles des Rois.
En ce moment, le Monarque de France
Tenait conseil en son camp vers le Rhin ;
Monsieur Ebbo, dans sa sotte éloquence,
Peignait les maux dont le Prélat Turpin
Les menaçait par sa fatale absence.
Charlot repart : « Où diable le Destin
« S’est-il niché dans ce fils de Putain ? »
Ce Roi si bon, si plein de courtoisie,
Et si loyal, avant que la Folie
À son grelot l’univers eût soumis,
Devint brutal et fou de sens rassis ;
Il a perdu son antique prudence :
Je ne veux plus que boire et que chanter.
S’il avait su chanter, boire, el régner,
Ce n’eût été le pis de sa démence ;