Page:Saint-Just - Œuvres complètes, éd. Vellay, I, 1908.djvu/68

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Cet air touchant, cet air inexprimable,
Mêlé de joie et mêlé de langueur,
Qui désignait amour, désirs, frayeur ;
Il s’échappait encore quelques larmes,
Qui du sourire embellissaient les charmes.
Lorsque l’aurore annonce un beau matin,
Après le deuil d’un passager orage,
Et que Zéphyr, de son souffle badin
Semble chasser la foudre du rivage,
À l’Orient tel on voit le soleil
Voiler son front d’un nuage vermeil.
La nuit s’envole, et la clarté naissante
Rend la Nature encore plus piquante.
En folâtrant, Zéphyre sur les fleurs,
Du Ciel calmé vient balancer les pleurs.
Vous entendez la fauvette au bocage,
Qui tremble encore, et pourtant qui ramage,
Et vous voyez aux tortueux buissons
Pendre la pluie en perles, en festons.
« Guerrier, l’honneur de la Chevalerie,
« Dit notre Nymphe au jeune Paladin ;
« Oui, je l’ai vu l’Archevêque Turpin ;
« Mais je ne sais s’il n’a perdu la vie :
« Seul il était sur la rive resté ;
« Un Enchanteur, qui fondait de la nue,
« Parmi les airs l’a soudain emporté,
« Et sur le champ je l’ai perdu de vue.
« Mais je vous puis enseigner le moyen
« De le trouver, et vous ferai connaitre
« Sa destinée, ainsi qu’elle puisse être,
« Si me suivez en ce lieu souterrain. »
Le fleuve était immobile et paisible ;
Nos Paladins s’élancent dans les eaux :
Bref il s’élève un ouragan terrible,
Qui jusqu’au ciel a fait voler les flots.
Le temps se couvre, un effroyable orage
Se forme, brille, éclate dans les airs,
Et de ses feux sillonne le rivage.