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« Que des soupirs qui ne peuvent percer,
« Ni votre cœur, ni ce dur bouclier.
« Ce tendre sein, que vous pouvez frapper,
« Renferme un cœur moins cruel que sensible ;
« Ce faible bras n’est rien moins que terrible.
« Armé du fer, l’avez-vous vu jamais
« Porter la mort et l’effroi sur vos rives ?
« Percer le cœur de vos dames plaintives,
« Et renverser vos superbes palais ?
« Non. Pourquoi donc, pourquoi, monstres sauvages,
<« Désolez-vous nos innocens rivages ?
« Mais à quoi bon ces frivoles clameurs ?
« Pourquoi me plaindre, et que servent ces pleurs ?
« Tigres, vos cœurs, fermés à la tendresse,
« Dédaignent trop mon sexe et ma faiblesse ! »
Un tel discours était accompagné
D’un air si tendre et si passionné,
Que les rochers à l’entour s’amollirent,
Et que les eaux leur course suspendirent.
Mais ces soupirs, ces larmes, ces sanglots
Avaient pour but la perte du Héros.
Ciel ! se peut-il qu’une figure aimable
Puisse voiler un cœur abominable !
Organt repart : « Ma Princesse, avez tort
De me prêter telle décourtoisie :
Belle jamais ne vis en ennemie,
Mieux aimerais la plus cruelle mort.
Je ne viens point vous déclarer la guerre,
Et Dieu le sait quels genres de combats,
Si le vouliez, vous livreraient ces bras.
N’a pas long-temps, près de cette rivière,
S’est égaré l’Archevêque Turpin.
Pardonnez-moi ma démarche indiscrète ;
Je ne sais rien de son nouveau destin ;
De tous côtés je me suis mis en quête
Pour le trouver, et me feriez plaisir,
Sur ce malheur, si pouviez m’éclaircir ».
Elle sourit, et de cet air aimable,