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L’Évêque Ebbo, qui lisait couramment,
Était alors un prodige étonnant.
Dieu, par son baume, avait fait des miracles,
Et par sa bouche annonçait ses oracles.
Plein de mépris pour les terrestres biens,
Il vint s’asseoir sur le siège de Reims ;
Il quitta tout pour Jésus et Marie,
Sa pauvreté, ses haillons, sa patrie,
Mais conserva, dans un dévot éclat,
L’air simple et sot de son premier état.
Pendant la nuit, il ronflait dans sa tente,
Seul par hasard ; un grand bruit l’éveilla :
Il voit, au sein d’une nue éclatante,
Un Ange assis, qui d’abord l’appela.
Ebbo troublé, d’une voix chancelante
Lui répondit : « Gloire soit au Seigneur,
« Qui vient trouver son humble serviteur. »
Le Messager du Maître du tonnerre,
D’un saut léger ayant mis pied à terre,
Vers le châlit s’est avancé soudain,
Une écritoire et la plume à la main.
Ses doigts bénis lèvent la couverture.
Le Saint Prélat, immobile de peur,
Le laisse faire, obéit sans murmure,
Disant, soit fait comme veut le Seigneur.
L’Ange, troussant les fesses étonnées,
En chiffres noirs y mit nos destinées,
Et dit ensuite au Prélat plein d’effroi :
« Demain matin allez trouver le Roi,
« Dieu vous l’ordonne, et vous lui ferez lire
« Ce que le Ciel, par ma main, vient d’écrire » ;
Puis il partit. D’un regard de profil
Le Prélat saint lorgnait l’Ange gentil,
Et quelquefois disait, d’un air moroze :
« Ah ! j’ai bien cru qu’il voulait autre chose ! »
Le lendemain, Ebbo tout radieux,
Fut chez le Roi d’un air mystérieux.
« Lisez, Seigneur ». Le Sire vénérable