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En un instant les Diables disparurent.
Sur son éclair, Pierrot les poursuivait,
Tout agité d’une fureur tranquille,
Criant du ton que jadis il prêchait :
« Où courez-vous, troupe vaine et servile ?
« Lâches, allez dans l’éternelle nuit
« Cacher au Ciel l’opprobe qui vous suit.
« Quelle terreur glace votre courage ?
« L’eau vous fait peur ! Ah ! je croirais bien plus
« Que vous craignez le destin de Malcus ! »
Le Saint, du geste appuyant ce langage,
Contre un essaim des profanes Esprits
Laisse échapper la clef du Paradis ;
De cette clef des Diables s’emparèrent,
Et dans le Ciel bientôt se renfermèrent.



CHANT III

ARGUMENT

Comment l’Archevéque Ebbo devint le Calchas de l’armée : suite du péché du saint Archevêque Turpin.

Je veux bâtir une belle chimère ;
Cela m’amuse et remplit mon loisir.
Pour un moment, je suis Roi de la terre ;
Tremble, méchant, ton bonheur va finir.
Humbles vertus, approchez de mon trône ;
Le front levé, marchez auprès de moi ;
Faible orphelin, partage ma couronne…
Mais, à ce mot, mon erreur m’abandonne ;
L’orphelin pleure : ah ! je ne suis pas Roi !
Si je l’étais, tout changerait de face :
Du riche altier qui foule l’indigent,
Ma main pesante affaisserait l’audace,
Terrasserait le coupable insolent,
Élèverait le timide innocent,
Et pèserait, dans sa balance égale,