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Volait en l’air, et sa bouche enflammée
Tint ce discours : « Fiers ennemis de Dieu,
« Voici le Ciel, autrefois votre place ;
« De mon forfait je n’ai point de remord ;
« Par un nouveau, couronnons notre audace,
« Et vengeons-nous de l’injure du sort.
« Il l’a voulu ; par un coup de tonnerre
« Précipités du séjour de lumière,
« Le noir Ténare, en ses flancs odieux,
« Servit d’asile à l’élite des Dieux.
« J’ai tout perdu, ma dignité suprême,
« Mon sceptre d’or, et ce trône immortel
« Qui dominait les Puissances du Ciel ;
« Mais, malgré tout, je suis encor moi-même.
« Indépendant des arrêts du Destin,
« J’étais un Dieu, je le serai sans fin.
« Et les sillons de la foudre éclatante.
« Et les tourmens de la Gehene ardente,
« Ne peuvent point arracher à mon cœur
« Ni repentir, ni l’aveu d’un vainqueur.
« Je fus jadis, dans l’Olympe céleste,
« Le Dieu du bien ; le mal et la fierté
« Sont mon essence et ma divinité.
« J’ai tout perdu, mon courage me reste
« Pour triompher ici de nos rivaux,
« Ou pour braver des supplices nouveaux. »
Qu’on se figure Amphitrite immobile,
Roulant ses plis d’une haleine tranquille,
Les Alcyons promenans leurs berceaux,
Et les Tritons se jouant sur les eaux ;
Puis tout à coup les cieux qui s’obscurcissent,
La mer en feu, les rochers qui pâlissent,
Et les éclairs, et la foudre, et le vent,
Qui méconnaît l’empire du Trident.
Ainsi l’on voit les Guerriers qui s’avancent,
Avec le bruit des clairons belliqueux,
Réglant leur pas fier et majestueux ;
Mais tout à coup au signal ils s’élancent :