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Les bois déserts jaunissent les rivages
De moins d’essaims de leurs tristes feuillages.
Qu’on ne voyait de cimeterres nus,
De chars de feu roulant sur les nuages,
De bataillons fièrement étendus,
De braquemarts, de boucliers, de casques,
Et de Démons sous des formes fantasques.
Là, l’on voyait de petits Anges blonds,
Aux aîles d’or, aux yeux bleus, aux culs ronds,
L’arc à la main, comme l’enfant de Gnide,
Sur des rayons voltiger par le vide.
Ici volaient de brillans Chérubins,
Environnés de défuntes nonnains.
Là des Prélats, tout chamarrés d’étoles,
Vêtus de rouge et coiffés d’auréoles,
Brillaient encor de ce coloris vif,
Dont ici bas l’austère pénitence.
Les oraisons, l’amour contemplatif
Enluminaient leur dévote éminence.
Mais, d’autre part les guerriers infernaux
Offraient à l’œil un spectacle effroyable ;
Là d’un dragon la croupe épouvantable,
En cent replis recourbe ses anneaux,
Là des géans à tête de cyclope,
Là dans les airs un Centaure galope :
L’un est chameau, l’autre vautour, et bref,
Un autre Moine, oreille d’àne au chef.
Au même instant où les troupes grossirent,
Le doux Apôtre et le Roi des Maudits
Avaient laissé leur combat indécis ;
Les escadrons à leur voix s’arrondirent.
Tout orgueilleux de soumettre l’Enfer,
Pierre, animé, grimpe sur un éclair ;
Devant ses pas marche la Renommée,
Trompe à la bouche, une oreille à la main,
Emblème fier des prouesses du Saint.
Pierre se signe, et bénit son armée.
Le Satanas, sur un dragon de feu,