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Muse, redis cette fatale noise.
Entre leurs mains l’acier brille et se croise,
Et les combats du Grec et du Troyen,
Et de Tancrède, et du fier Circassien,
Si redoutable autrefois dans Solime,
N’approchent point de la savante escrime,
Acharnement, fureur, vivacité
Dont combattait notre couple irrité.
Mathieu Paris, homme à cervelle anglaise,
De qui je tiens ceci, par parenthèse,
Dit là-dessus, c’était assez leur lot ;
L’un était diable, et l’autre était dévôt.
Par un détour, Satan, avec sa queue,
Au nez du Saint, laisse la place bleue.
L’Anglais Mathieu, qui rapporte ce trait,
Aurait bien dù nous dire à ce sujet
Comment l’esprit peut être susceptible
De recevoir quelque empreinte sensible.
Néant de l’homme ; on peut être Breton,
Et n’avoir pas pourtant toujours raison.
Très prudemment Saint-Pierre crie à l’aide,
Un Ange vient. Satan appelle à lui ;
Arrive alors un Diable quadrupède,
Vomissant flamme, enfumé, velu, cui.
Ses hurlements font retentir l’espace ;
Sur les deux Saints il fond avec audace.
Les met en fuite : ils appellent encor.
Un bataillon arrive pour renfort.
Tout l’Enfer vient, le Ciel se multiplie,
Et l’intérêt d’un combat singulier
Cause bientôt un horrible incendie.
L’on voit partout luire l’affreux acier ;
De tous côtés les bataillons chancèlent,
Et tous les yeux de fureur étincèlent.
Lorsque l’hiver, en son char nébuleux,
S’est élancé des sommets de la Thrace,
Et couronné de frimas et de glace.
Souffle la mort dans nos champs orageux,