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Nos ennemis balancèrent long-temps
S’ils marcheroient contre Hirem ou les Francs.
De Vitikin la politique habile
Sut profiter même de ses revers.
Dans un conseil il assemble ses Pairs.
« Seigneurs, dit-il d’un air noble et tranquille,
« Le sort se plaît à nous persécuter ;
« Mais en dépit de la fortune même,
« De quelque espoir j’ose encor me flatter
« Que si les Dieux, par un arrêt suprême,
« Ont résolu la perte des Saxons,
« Soumettons-nous, mes amis, et mourons ;
« Mais n’allons point nous abattre d’avance.
« Le Ciel est juste : il frappe les méchans ;
« Nos ennemis ne sont que des brigands,
« Et notre espoir est dans notre innocence.
« Sans le savoir, peut-être les Alains
« Ne sont venus que pour notre défense.
« Ingénieux dans sa lente vengeance,
« Le Ciel, formant à son gré nos destins,
« Donne le change aux jugemens humains.
« Je vais aller, au danger de ma vie,
« Trouver Hirem dans les murs d’Herminie.
« S’il est hardi, je saurai l’enflammer
« Du noble espoir de venger nos outrages ;
« S’il aime l’or, un brigand doit l’aimer,
« Il me suivra par l’espoir des ravages.
« Les justes Dieux sauront me protéger,
« Et si je meurs, vous saurez me venger ».
Le lendemain, dès que l’aube naissante
Eut éclairé la terre blanchissante,
Le Roi de Saxe attela ses coursiers,
Et prit au nord le chemin d’Herminie,
Avec un Page et quelques Chevaliers,
Les compagnons des travaux de sa vie.
Le Roi laissa, pour gouverner le camp,
Sa brue Hélène, et son fils Hydamant.
« Tendres époux, espoir de ma vieillesse,