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CHANT II

ARGUMENT

Comment Vitikin partit de son camp pour aller demander du secours aux Alains : funeste péché du saint Archevêque Turpin.

L’astre du jour, sorti du sein de l’onde,
Avait franchi les barrières du monde.
Charles, suivi de ses fiers escadrons,
Se mit en marche, et suivit les Saxons.
Une dernière et sanglante défaite
Les avoit fait reculer vers le Rhin.
Non par frayeur, car ce peuple hautain
Avait encore Vitikin à sa tête,
Et ne cédait qu’à l’effort du destin.
Vaincus toujours, et toujours invincibles,
Chaque revers les rendait plus terribles ;
Ils renaissaient de leurs propres débris,
Et Vitikin, maître de leurs esprits,
Aux noms sacrés de dieux et de patrie,
Les enflammait du mépris de la vie.
Guerrier habile, et guerrier malheureux,
Âme et soutien de la cause commune,
Il maîtrisa quelquefois la fortune,
Et sa vertu lutta contre les Dieux.
Il conservait, au sein de la vieillesse,
Toute l’ardeur d’un jeune Paladin ;
De sa vieillesse on ne connut enfin
Que les vertus, et jamais la faiblesse.
La renommée apprit à Vitikin
Qu’Érâtre-Hirem, prince du peuple Alain,
Etoit passé devers la Germanie,
Noyait la Saxe, et bloquait Herminie.
Cette cité, qui fleurissait alors,
A disparu ; sur la terre tout passe.
Achille, Hector, Agamemnon sont morts,
Et de Carthage on ignore la place.