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En secouant un essaim de grelots.
Dont la criarde et bruyante musique
Eût détraqué de stoïques cerveaux.
Sa robe était toute hiérogliphique ;
On y voyait, en forme lie plain-chant,
Les œuvres, noms, et grotesques ligures
Des plus grands fous du passé, du présent ;
Et, qui plus est, ceux des races futures.
Ici César, cet honnête brigand ;
Là ce bandit, dont la rage infernale
Ensanglanta l’univers gémissant,
Et qui serait à mes yeux bien plus grand.
S’il n’eût jamais vaincu que Bucéphale ;
Là ces fléaux que le Nord inhumain
Contre l’Europe a vomis de son sein ;
Louis IX, ce fou bien plus bizarre,
Qui saintement sacrilège et barbare,
Sut déguiser, sous la cause du Ciel,
L’ambition de son cœur plein de fiel,
Et dans un temps chrétiennement stupide,
Fit honorer une main homicide,
En colorant, par des signes de croix,
Le noir penchant de son cœur discourtois.
Charles-Quint, au fond d’une cellule ;
Dupe du Ciel, l’imbécille cafar,
Devait troquer le sceptre de César,
Et le laurier contre un froc ridicule.
Plus grand, plus faible, en champ clos redouté,
Ici François par un page dompté ;
Henri II, ivre de volupté,
Baisant Diane au déclin de sa vie,
Et caressant ses tetons de harpie.
Vous étiez-là, pauvres fous bien déçus,
Vieux Licophrons du Concile de Trente,
Cardinaux ronds, Moines, Prélats joufflus ;
Le Saint-Esprit riait de votre attente,
Et de vous voir, sottement absolus,
Donner le Ciel et réformer Jésus.