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sait si vous ne seriez point alors proscrits vous-mêmes par ces ouvrages de vos mains, et si vous ne seriez point poursuivis comme rebelles ? La garantie d’une Constitution n’est point ailleurs que dans elle-même ; une Constitution faible ne durera point ; elle aplanira la voie au despotisme, qui étouffera l’insurrection, et, sous prétexte de préparer la liberté du peuple, préparera le retour facile et l’impunité des tyrans.

Tel est le spectacle que me présente dans l’avenir une puissance exécutrice, maîtresse de la République, contre laquelle la liberté est dénuée de sanction. Si je considère la représentation nationale telle que le comité l’a conçue, je le répète, elle ne me semble qu’un congrès.

Le conseil des ministres est en quelque sorte nommé par la République entière ; la représentation est formée par département. N’aurait-il pas été plus naturel que la représentation, gardienne de l’unité de l’État, et dépositaire suprême des lois, fût élue par le peuple en corps, et le conseil de toute autre manière pour sa subordination et la facilité des suffrages ?

Au contraire, le conseil des ministres, élu par la République, la représente et devient le premier corps ; le congrès législatif, nommé par les départements, n’est que mandataire du peuple, et dans l’ordre moral tient le second rang. Lorsque j’ai lu, avec l’attention dont elle est digne, l’exposition des principes et des motifs de la Constitution offerte par le comité, comme le principe de la législation dans un État libre est la volonté générale, et que le principe détermine tout, j’ai cherché dans cette exposition quelle idée on avait eue de la volonté générale, parce que de cette idée seule dérivait tout le reste.

La volonté générale, proprement dite, et dans la langue de la liberté, se forme de la majorité des volontés particulières, individuellement recueillies sans une influence étrangère la loi, ainsi formée, consacre nécessairement l’intérêt général, parce que, chacun réglant sa volonté sur son intérêt, de la majorité des volontés a dû résulter celle des intérêts.