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sont les seuls et véritables représentants du peuple. Tous les moyens de corruption sont dans leurs mains, les armées sont sous leur empire, l’opinion publique est ralliée facilement à leurs attentats par l’abus légal qu’ils font des lois ; l’esprit public est dans leurs mains avec tous les moyens de contrainte et de séduction considérez, en outre, que par la nature du scrutin de présentation et d’épuration qui les a formés, cette royauté de ministres n’appartient qu’à des gens célèbres ; et si vous considérez de quel poids est leur autorité, combinée sur leur caractère de représentation, sur leur puissance, sur leur influence personnelle, sur la rectitude de leur pouvoir immédiat, sur la volonté générale qui les constitue et qu’ils peuvent opposer sans cesse à la résistance particulière de chacun ; si vous considérez le corps législatif dépouillé de tout ce prestige : quelle est alors la garantie de la liberté ? Vous avez éprouvé quels changements peuvent s’opérer en six mois dans un empire : et qui peut vous répondre, dans six mois, de la liberté publique, abandonnée à la fortune comme un enfant et son berceau sur l’onde :

Car il serait possible de vous donner une Constitution libre, qui fut une transition flatteuse et triomphante à l’esclavage.

Une Constitution faible en ce moment peut entraîner de grands malheurs et de nouvelles révolutions funestes à la liberté. Il faut un ouvrage durable.

Si la République n’était point renversée, il s’établirait sous vingt ans un patriciat avec un conseil de ministres : les hommes célèbres et leurs familles ensuite arriveraient seuls au ministère ; car le concours de tant de suffrages, sur un aussi petit nombre d’hommes, le respect qu’on porterait bientôt à ceux qui auraient été revêtus de pareils pouvoirs, leur jalousie, leur ambition : tont écarterait le peuple de ces emplois. Le même inconvénient n’existe point par rapport aux législatures ; elles sont plus nombreuses ; elles ne manient point les deniers publics : leur caractère est moins politique. Vous avez aboli l’hérédité des magistratures ; mais dans quinze ans où serez-vous ? Et qui