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tible avec l’énergie du magistrat dans un grand domaine.

Dans la Constitution qu’on vous a présentée, ceci soit dit sans offenser le mérite, que je ne sais ni outrager ni flatter, il y a peut-être plus de préceptes que de lois, plus de pouvoirs que d’harmonie, plus de mouvements que de démocratie. Elle est l’image sacrée de la liberté, elle n’est point la liberté même. Voici son plan : une représentation fédérative qui fait les lois, un conseil représentatif qui les exécute. Une représentation générale, formée des représentations particulières de chacun des départements, n’est plus une représentation, mais un congrès : des ministres qui exécutent les lois ne peuvent point devenir un conseil ; ce conseil est contre nature ; les ministres exécutent en particulier ce qu’ils délibèrent en commun, et peuvent transiger sans cesse : ce conseil est le ministre de ses propres volontés ; sa vigilance sur lui-même est illusoire.

Un conseil et des ministres sont deux choses hétérogènes et séparées : si on les confond, le peuple doit chercher des dieux pour être ses ministres, car le conseil rend les ministres inviolables, et les ministres rendent le peuple sans garantie contre le conseil. La mobilité de ce double caractère en fait une arme à deux tranchants l’un menace la représentation, l’autre les citoyens ; chaque ministre trouve dans le conseil des voix toujours prêtes à consacrer réciproquement l’injustice. L’autorité qui exécute gagne peu à peu dans le gouvernement le plus libre qu’on puisse imaginer ; mais, si cette autorité délibère et exécute, elle est bientôt une indépendance. Les tyrans divisent le peuple pour régner ; divisez le pouvoir si vous voulez que la liberté règne à son tour : la royauté n’est pas le gouvernement d’un seul, elle est dans toute puissance qui délibère et qui gouverne ; que la Constitution qu’on vous présente soit établie deux ans, et la représentation nationale n’aura plus le prestige que vous lui voyez aujourd’hui ; elle suspendra ses sessions lorsqu’il n’y aura plus matière à législation alors, je ne vois plus que le conseil sans règle et sans frein.

Ce conseil est nommé par le souverain ; ses membres