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le pousse à de lâches professions, ou le séduit ; le peuple alors se régénère et redevient lui-même.

De ce que je viens de dire, il dérive que la médiocrité de la personne qui gouverne est la source des mœurs et de la liberté dans un État ; il faut que ceux qui sont dépositaires de vos lois soient condamnés à la frugalité, afin que l’esprit et les goûts publics naissent de l’amour des lois et de la patrie.

Le peuple doit respecter les magistrats ; il ne doit ni les flatter ni les craindre, il ne doit point considérer les lois comme leur volonté, car bientôt les lois ne servent plus qu’à le réprimer au lieu de le conduire. Il ne suffit point de détourner l’attention du peuple de l’orgueil des magistrats pour l’appliquer aux lois ; il faut que l’intérêt public occupe aussi sans cesse son activité, car le législateur doit faire en sorte que tout le peuple marche dans le sens et vers le but qu’il s’est proposé.

La corruption chez un peuple est le fruit de la paresse et du pouvoir ; le principe des mœurs est que tout le monde travaille au profit de la patrie, et que personne ne soit asservi ni oisif.

Une monarchie se soutient tant que la moitié du peuple travaille, et tant que l’autre moitié a de l’économie au lieu de vertu.

La monarchie française a péri, parce que la classe riche a dégoûté l’autre du travail. Plus il y a de travail ou d’activité dans un État, plus cet État est affermi : aussi, la mesure de la liberté et des mœurs est-elle moindre dans le gouvernement d’un seul que dans celui de plusieurs, parce que dans le premier, le prince enrichit beaucoup de gens à rien faire, et que, dans le second, l’aristocratie répand moins de faveurs ; et de même dans le gouvernement populaire, les mœurs s’établissent d’elles-mêmes, parce que le magistrat ne corrompt personne, que tout le monde y est libre et y travaille.

Si vous voulez savoir combien de temps doit durer votre République, calculez la somme de travail que vous y pouvez introduire, et le degré de modestie compa-