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les bonnes mœurs ou la férocité. La vertu de Lacédémone était dans le cœur de Lycurgue, et l’inconstance des Crétois dans le cœur de Minos.

Notre corruption dans la monarchie fut dans le cœur de tous ses rois : la corruption n’est point naturelle aux peuples.

Mais lorsqu’une révolution change tout à coup un peuple, et qu’en le prenant tel qu’il est on essaye de le réformer, il se faut ployer à ses faiblesses, et le soumettre avec discernement au génie de l’institution ; il ne faut point faire qu’il convienne aux lois, il vaut mieux faire en sorte que les lois lui conviennent. Notre Constitution doit être propre au peuple français. Les mauvaises lois l’ont soumis longtemps au gouvernement d’un seul : c’est un végetal transplanté dans un autre hémisphère, qu’il faut que l’art aide à produire des fruits mûrs sous un climat nouveau.

Il faut dire un mot de la nature de la législation.

Il y a deux manières de l’envisager ; elle gît en préceptes, elle gît en lois.

La législation en préceptes n’est point durable ; les préceptes sont les principes des lois ; ils ne sont pas les lois. Lorsqu’on déplace de leur sens ces deux idées, les droits et les devoirs du peuple et du magistrat sont dénués de sanction. Les lois, qui doivent être des rapports, ne sont plus que des leçons isolées, auxquelles la violence, à défaut d’harmonie, oblige tôt ou tard de se conformer ; et c’est ainsi que les principes de la liberté autorisent l’excès du pouvoir, faute de lois et d’application. Les droits de l’homme étaient dans la tête de Solon ; il ne les écrivit point, mais il les consacra et les rendit pratiques.

On a paru penser que cet ordre pratique devait résulter de l’instruction et des mœurs ; la science des mœurs est bien dans l’instruction ; les mœurs mêmes résultent de la nature du gouvernement.

Sous la monarchie, les principes des mœurs étaient consacrés comme une politesse de l’esprit ; et cependant tous ceux qui avaient appris ces principes sont aujourd’hui les ennemis du peuple et de la liberté. Aucune idée de