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force serait toujours prète à en réprimer l’abus ; mais cet abus ne peut jamais exister, car les chefs d’un régiment ne peuvent jamais effrayer la patrie.

L’élection des généraux est le droit de la cité entière. Une armée ne peut délibérer ni s’assembler. C’est au peuple même, ou à ses légitimes représentants, qu’appartient le choix de ceux desquels dépend le salut public.

Si l’on examine le principe du droit du suffrage dans le soldat, le voici : c’est que, témoin de la conduite, de la bravoure et du caractère de ceux avec lesquels il a vécu, nul ne peut mieux que lui les juger.

En outre, si vous laissez la nomination à tant de places militaires entre les mains ou des généraux ou du pouvoir exécutif, vous les rendez puissants contre vous-mêmes et rétablissez la monarchie.

Règle générale, il y a une monarchie partout où la puissance exécutrice dispose de l’honneur et de l’avancement des armes.

Si vous voulez fonder une République, ôtez au peuple le moins de pouvoir qu’il est possible, et faites exercer par lui les fonctions dont il est capable.

Si quelqu’un s’oppose ici aux élections militaires, après ces distinctions, je le prie d’accorder ses principes avec la République.

Pour moi, je ne considère rien ici que la liberté du peuple, le droit des soldats, et l’abaissement de toutes puissances étrangères au génie de l’indépendance populaire. Il faut que l’antichambre des ministres cesse d’être un comptoir des emplois publics, et qu’il n’y ait plus rien de grand, parmi nous, que la patrie. Aussitôt qu’un homme est en place, il cesse de m’intéresser, je le crois même dans un état de dépendance. Le commandement est un mot impropre, car, à quelque degré que l’on observe la loi, on ne commande point.

Il n’y a donc de véritable commandement que la volonté générale et la loi ; ici s’évanouit le faux honneur ou l’orgueil exclusif ; et si tout le monde était pénétré de ces vérités, on ne craindrait jamais l’usurpation, car elle est le prix que notre faiblesse attache à l’éclat d’un brigand.