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que la puissance du peuple français n’éprouve point de la part de ses ennemis ces obstacles vigoureux qui décident un peuple à la vertu. On ne fait pas les révolutions à moitié. Il me semble que vous êtes destinés à faire changer de face aux gouvernements de l’Europe ; vous ne devez plus vous reposer, qu’elle ne soit libre sa liberté garantira la vôtre. Il y a trois sortes d’infamies sur la terre, avec lesquelles la vertu républicaine ne peut point composer : la première, ce sont les rois ; la seconde, c’est de leur obéir ; la troisième, c’est de poser les armes, s’il existe quelque part un maître et un esclave.

C’est encore cette vertu qui vous commande les élections militaires ; les emplois ne sont point institués pour ceux qui les possèdent, mais pour le bien de la République. Lorsque j’entends dire ici qu’il faut indemniser par de l’argent un agent public de l’obscurité de ses services, il me prend envie de lui proposer les trois queues d’un pacha ; et de même, lorsque l’intérêt de quelques officiers ambitieux devient une considération dans le changement qui importe à l’énergie de nos armées, je me demande si la patrie est esclave des gens de guerre.

Je ne prétends pas dissimuler le danger des élections militaires, si elles pouvaient s’étendre à l’état-major des armées et au généralat ; mais il faut poser les principes et les mettre à leur place. Les corps ont le droit d’élire leurs officiers, parce qu’ils sont proprement des corporations. Une armée ne peut élire ses chefs, parce qu’elle n’a point d’éléments fixes, que tout y change et y varie à chaque instant : une armée n’est point un corps ; elle est l’agrégation de plusieurs corps, qui n’ont de liaison entre eux que par les chefs que la République leur donne ; une armée qui élirait ses chefs serait donc une armée de rebelles. On me dira que mes principes sont sans garantie contre la violence ; j’en puis répondre autant ; la vérité n’est jamais sans garantie ; elle entraîne tout le crime est enfant de l’erreur !

L’élection des chefs particuliers des corps est le droit de cité du soldat ; comme ce droit est exercé partiellement, la