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En un sabot sont soudain racornis.
Pousse une queue, et sa tête allongée
D’oreilles d’âne est bientôt embranchée.
Tendre Sornit, du moins, dans ton malheur,
L’enchantement ne changea point ton cœur !
II veut parler, ses soupirs énergiques
Font du châtel résonner les portiques.
Le Dieu d’amour, qui l’avait entendu,
Pleure le trait que son arc a perdu.
« Eh quoi ! dit-il, moi, le Roi de la terre,
« J’aurai rendu cent Héros mes captifs,
« Et j’aurai fait qu’un ange de lumière
« Aura quitté le séjour du tonnerre,
« Pour forniquer avec deux tetons juifs ;
« Et mon courroux n’aura pas la puissance
« De se venger d’une telle insolence !
« Ah ! pour jamais périsse mon carquois,
« Si le Ténare est rebelle à ma voix,
« Si les Démons, les vents, et le tonnerre,
« Au même instant ne servent ma colère ».
Amour alors, affourché sur un vent.
Pique des deux, et vole au firmament.
Il était l’heure où, des grottes de l’onde,
Phébus se lève aux barrières du monde.
Les Chérubins, dans leurs alcôves d’or,
Sur l’édredon là-haut dormaient encor.
Amour arrive, et le vaste Empirée
De tout côté frémit à son entrée ;
Et sa présence a plongé tous les cieux
Dans un repos tendre et voluptueux.
Dieu sommeillait sans sceptre et sans couronne,
Sur le dernier des degrés de son trône,
Le cou posé sur un broc de nectar ;
Et cependant les rênes de la Terre
Erraient sans guide et flottaient au hasar.
Amour les prit, et monté sur un char
Qui contenait l’attirail du tonnerre,
La foudre en main, il sillonne les airs.