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En effet, quelle ressemblance y a-t-il entre des corps faibles par eux-mêmes, qui ne diffèrent que par le rang qu’ils tiennent dans l’esprit du tyran, que le tyran gouverne à son gré, qui sont épars autour de lui, et ne rivalisent que dans l’orgueil de lui plaire : quelle ressemblance y a-t-il entre ces corps et deux corporations de 200.000 hommes, qui, si elles venaient à rivaliser, nous conduiraient, par la guerre civile, à l’usurpation et au gouvernement militaire ?

Je dis non seulement que le mélange des régiments et des bataillons est un trait de sagesse, mais que le moment presse de l’opérer. Il serait imprudent de m’étendre sur toutes les raisons qui m’y déterminent ; si vous éprouviez des revers, réfléchissez quels hommes, dans l’état actuel, doivent les premiers abandonner la République. Si vous êtes vainqueurs, l’orgueil militaire s’élève au-dessus de votre autorité : l’unité de la République exige l’unité dans l’armée ; la patrie n’a qu’un cœur, et vous ne voulez plus que ses enfants se le partagent avec l’épée.

Je ne connais qu’un moyen de résister à l’Europe : c’est de lui opposer le génie de la liberté ; on prétend que les élections militaires doivent affaiblir et diviser l’armée ; je crois, au contraire, que ses forces en doivent être multipliées.

Je sais bien qu’on peut m’opposer que l’instabilité de l’avancement militaire peut dégoûter les chefs ; qu’il peut porter les soldats à la licence, énerver la discipline, et compromettre l’esprit de subordination ; mais toutes ces difficultés sont vaines ; il faut même faire violence aux mauvaises mœurs, et les dompter ; il faut d’abord vaincre l’armée, si vous voulez qu’elle vainque à son tour ; si le législateur ménage les difficultés, les difficultés l’entraînent ; s’il les attaque, il en triomphe au même instant. Je ne sais s’il faut moins d’audace pour être législateur que pour être conquérant ; l’un ne combat que des hommes, l’autre combat l’erreur, le vice et le préjugé ; mais si l’un ou l’autre se laisse emporter à la faiblesse, il est perdu ; c’est dans cet esprit seulement que vous pourrez conduire la révolution à son terme. Je ne crains qu’une chose, c’est