Page:Saint-Just - Œuvres complètes, éd. Vellay, I, 1908.djvu/443

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

publique ; si ces actes sont une partie du pouvoir qui gouverne, le magistrat a la facilité d’abuser contre le peuple d’une force qui n’est instituée que contre les ennemis extérieurs. On emploie des moyens pour prolonger la guerre, on ménage même des défaites, et on trafique du salut de l’État.

Le peuple n’a pas d’intérêt à faire la guerre. La puissance exécutrice trouve, dans la guerre, l’accroissement de son crédit ; elle lui fournit mille moyens d’usurper. C’est pourquoi mon dessein serait de vous proposer que le ministère militaire, détaché de la puissance exécutive, ne dépendit que de vous seuls, et vous fût immédiatement soumis. Si vous voulez que votre institution soit durable, chez un peuple qui n’a plus d’ordres, vous ferez que le magistrat ne devienne point un ordre et une sorte de patriciat, en dirigeant les armes par sa volonté ; car la guerre n’a point de frein ni de règle présente dans les lois ; les vicissitudes rendent tous ses actes des actes de volonté. Il est donc nécessaire qu’il n’y ait dans l’État qu’une seule volonté, et que celle qui fait des lois commande les opérations de la guerre. Le magistrat doit être entièrement livré au maintien de l’ordre civil. L’ordre extérieur, chez un peuple qui obéit aux lois et n’est point soumis au prince, appartient au souverain ou à ses représentants. Je ne traite de cette matière que ce qui appartient à mon sujet.

Je demande que l’attribution donnée par Sieyès au conseil, c’est-à-dire à tous les ministres collectivement, sur les opérations générales de la guerre, vous la preniez vous-mêmes ; que le ministre réponde à vous de l’exécution des lois : par là vous mettrez le peuple à l’abri de l’abus du pouvoir militaire. La responsabilité n’est point compromise, car vous ne gouvernez point ; mais le ministre vous répond immédiatement de l’exécution des lois ; il n’est point entrave ; et tous les anneaux de la chaîne militaire aboutissant à vous, les généraux ne peuvent plus remuer des intrigues dans un conseil, et le conseil ne peut rien usurper.

Sieyès avait établi un directeur et un administrateur