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Mais la guerre n’est-elle point un état violent, et l’administration de la guerre doit-elle faire partie du gouvernement intérieur permanent ? Je ne le crois pas.

Le gouvernement civil, dans un État comme le nôtre, devra nécessairement avoir une certaine rectitude. Peut-être, sous certains rapports, les deux pouvoirs auront-ils besoin d’être balancés l’un par l’autre ; car, sans le balancement de pouvoirs, la liberté serait peut-être en péril, n’étant constituée que sur une base mobile et inconstante, si les législateurs, en certains cas, étaient sans frein. Je voudrais qu’il me fut permis de traiter cette question fondamentale ; sans sortir absolument de mon sujet, j’y reviendrai ailleurs ; je dirai seulement que lorsque, dans une grande République, la puissance qui fait les lois doit être, en certains cas, balancée par celle qui les exécute, il est dangereux que celle-ci ne devienne terrible, et n’avilisse la première, puissance législatrice : celle-ci n’a que l’empire de la raison ; et dans un vaste État, le grand nombre des emplois militaires, l’appât ou les prestiges des opérations guerrières, les calculs de l’ambition, tout fortifie la puissance exécutrice. Si l’on regarde bien la principale cause de l’esclavage du monde, c’est que le gouvernement, chez tous les peuples, manie les armes. Je veux donc que la puissance nommée exécutrice ne gouverne que les citoyens.

La direction du pouvoir militaire (je ne dis pas l’exécution militaire) est inaliénable de la puissance législative du souverain ; il est la garantie du peuple contre le magistrat. Alors la patrie est le centre de l’honneur. Comme on ne peut plus rien obtenir de la faveur et des bassesses qui corrompent le magistrat, il se décide à parvenir aux emplois par le mérite et l’honnête célébrité. Vous devenez alors la puissance suprême, et vous liez à vous et au peuple les généraux et les armées.

Il faut encore examiner la question sous un autre rapport. L’état de guerre est vraiment une relation extérieure ; il n’appartient qu’au souverain de délibérer sur les actes de force qui compromettent la vie des citoyens et la prospérité