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à l’encan. Rien n’est contesté, et beaucoup de fripons traitent de confiance les uns avec les autres. Vous devez croire, et la triste expérience se renouvelle tous les jours, vous devez croire que le même désordre, par les mêmes principes, doit régner dans toutes les parties. Si le courage des soldats pouvait dépendre du malheur et de l’anarchie présente, la liberté ni la République ne verraient pas le printemps prochain. Les ministres échappent, et vous ne savez où porter la main ; le fragile édifice du gouvernement provisoire tremble sous vos pas ; l’ordre présent est le désordre mis en lois. Ce n’est point par des plaintes ni par des clameurs que l’on sauve sa patrie, c’est par la sagesse. Que quelques-uns accusent tant qu’il leur plaira vos ministres ; moi, j’accuse ceux-là mêmes. Vous voulez que l’ordre résulte du chaos ; vous voulez l’impossible. Sieyès m’a paru tourner son attention sur des périls si pressants.

J’appuie l’institution de l’économat que vous a présentée Sieyès : c’est le moyen de mettre l’économie, la responsabilité, la surveillance dans la manutention. Quant au deuxième décret, présenté par Sieyès sur l’organisation du ministère de la guerre, j’ai là-dessus quelques idées que je vais vous soumettre.

Ce n’est pas seulement la puissance qu’il donne au ministre, que je veux combattre, mais la puissance du conseil dont il serait membre. Il serait possible que le conseil, renfermant dans lui-même tous les éléments de la force et de la corruption, créât, par l’abus du pouvoir, cette nécessité qui ramène un grand peuple à la monarchie.

Il ne suffit point, pour diviser le pouvoir, de diviser les attributions en différents ministères particuliers, si ces attributions se confondent ensuite dans le même point, pour ne former en effet qu’un seul pouvoir. D’un autre côté, le ministre, s’il était incorruptible, n’aurait que sa voix dans un conseil de plusieurs membres, et deviendrait un chef illusoire. Il est donc nécessaire de prendre un parti entre ces deux extrémités, en sorte que votre ministre ne soit point nul ou tout-puissant.