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était nécessaire, qu’un particulier a fait des marchés par lesquels il donne 48 livres de bénéfice à ses marchands pour chaque cheval : un de ces marchands, à ma connaissance, a gagné 30.000 louis depuis quatre mois. Joignez-y le bénéfice des sous-marchands et celui des fournisseurs, et jugez quels chevaux doivent arriver dans vos armées, lorsqu’il faut prélever ces gains énormes. La loi charge le ministre de tous les crimes d’autrui, et lui refuse l’harmonie nécessaire dans son administration pour y pénétrer les sourdes malveillances.

Les deniers ne passent pas par les mains du ministre ; la Trésorerie a ses payeurs aux armées, avec lesquels seuls elle correspond. Le ministre fait ses demandes à la Trésorerie, elle envoie les sommes directement. Le ministre n’a point d’agents immédiats pour surveiller les envois. Vous voyez que cette administration est un arbre, mais dont toutes les branches sont éparses, séparées du tronc.

Le régime des subsistances n’est pas moins vicieux. Il y a, depuis peu, un comité des achats, composé seulement de trois personnes, chargées d’acheter toutes les subsistances nécessaires aux armées et à la marine de la République. Ce comité d’achats est à Paris ; les besoins et les résultats s’égarent et se confondent, éloignés d’un centre unique de plusieurs cercles différents.

Le comité des achats a des hommes chargés des achats dans tous les départements. Le ministre manque également de moyens de surveillance sur la fidélité de ces achats. Ce comité compte avec le ministre, mais sans responsabilité effective, puisque le ministre est sans mesures et sans poids. Le ministre, par lui-même, ne passe aucun marché de subsistances ; il n’est point le pivot de l’administration, il est spectateur. Les préposés aux charrois, les distributeurs et les agents subalternes comptent également avec la régie de manutention, qui manque de garantie contre eux-mêmes, comme le ministre en manque contre elle. La régie est sans compétence sur le nombre et le complet des corps. La moitié des rations est pillée, les camps sont des foires où la patrie est