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lie les divers agents ou ministres au prince. La monarchie n’a péri que quand le chef, conspirant contre l’ordre public et énervant tous les rapports du peuple et des magistrats à lui, s’isola lui-même. La République périrait, si les ressorts de l’administration provisoire manquaient d’un mouvement commun et d’un centre d’activité ; car les principes et les idées de la liberté ne remplacent point l’harmonie du gouvernement. Naguère, la malignité et l’inertie du chef entravaient la marche des affaires ; aujourd’hui l’incohérence des rapports politiques produit le même effet ; rien ne remplace l’ordre et n’en tient lieu ; et si, sans examiner la nature du mal, on se contente d’invoquer la sévérité contre les agents, on repousse des emplois des hommes éclairés, qui gémissent de faire le bien dans une place très orageuse.

On me dira peut-être que la Convention est le centre d’autorité suprême qui remplace celui qui n’est plus. Il faut faire attention que, par rapport à chaque ministre, le conseil est plutôt cette autorité dont je parle, que vous ne l’êtes vous-mêmes. La royauté n’est pas le gouvernement d’un seul ; elle est l’indépendance du pouvoir qui gouverne. Si ce pouvoir qui gouverne est indépendant de vous, il y a une royauté quelconque; cette royauté est surtout dangereuse dans les mains de ceux qui manquent de lois pour tous les cas, car ils y substituent leur volonté.

Aujourd’hui la puissance exécutrice qui gouverne la République ne peut rien prescrire, diriger, réprimer par elle-même, où le pouvoir lui manque. Les ministres n’ont bien souvent contre les abus que la voie de dénonciation. On croirait, au premier coup d’œil, que cette faiblesse de l’autorité qui gouverne est favorable à la liberté, et qu’elle lui ôte les moyens d’entreprendre sur le peuple ; mais on se trompe. Si vous refusez aux magistrats la puissance nécessaire, fondée sur les lois, les mesures arbitraires s’y glissent nécessairement, ou tout languit faute de lois.

Le ministre de la guerre est isolé de tous les rapports, et le mécanisme de son département lui est comme étranger. C’est ce que je vais vous démontrer, en analysant