Page:Saint-Just - Œuvres complètes, éd. Vellay, I, 1908.djvu/431

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Le peuple trop pur, le peuple trop simple pour ne pas démêler ou ne point sentir ce qui est déréglé, pouvait-il être tranquille ? Vous les connaissez maintenant, les projets liosliles que le roi lui-même méditait contre lui ; le temps n’a justifié que trop ses défiances. On vous a dit que dans le sac des Tuileries, la loi ne mit point sous la sauvegarde des scellés les papiers que Louis aurait pu opposer à ceux qu’on lui oppose ; mais pourquoi avait-il conservé ceux-ci si précieusement ? Pourquoi sont-ils apostilles de lui ? Ne devait-il pas les rejeter avec horreur ? Mais il ne faut pas prendre un plaisir inhumain à frapper le coupable à l’endroit le plus faible ; passons au 10 août.

Le palais était rempli d’assassins et de soldats ; vous ne savez que trop ce qui s’est passé ; les défenseurs du roi en ont aigri les images en outrageant la vérité. Louis dit qu’il n’a point versé le sang le 10 août ; mais qu’a-t-il fait pour empêcher qu’on le versât ? Quel trait de courage et de générosité raconle-t-on de lui dans ce jour mémorable ? Il voulait, disait-il, en ce lieu même, épargner un grand crime ; et quel crime plus grand pouvait-il épargner que l’assassinat des citoyens ? Il se rendit au milieu de vous, il s’y fit jour par la force. Là, à cet endroit, les soldats qui l’accompagnaient ont menacé les représentants du peuple. Il se rendit dans le sein de la législature, ses soldats en violèrent fasile. Il se fit jour, pour ainsi dire, à coups d’épée dans les entrailles de la patrie pour s’y cacher ; là, parutil un moment, au milieu du tumulte, s’inquiéter du sang qu’on répandait ? Ingrat envers les deux partis, le danger de ses serviteurs ne le touchait pas plus que le danger du peuple. On frémit, lorsqu’on pense qu’un mot, un seul mot de sa bouche eût arrêté la fureur des soldats, qu’un mot peut-être, qu’une main étendue eût calmé le peuple ; mais on n’a point celte confiance en ceux qu’on a trahis ? On nous demande, pour justifier l’état de force des Tuileries avant le 10 août, ce que nous ferions si la foule égarée se portait ici. Que fit la législature pour assurer son asile contre les menaces des gardes du roi, des Suisses et des courtisans ? Que fit-elle le 10 août ? Que fit-elle au mi-