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rien n’a pu dessiller les yeux d’un peuple qui s’obstinait à le chérir.

On lui laissa le sceptre. A-t-il été reconnaissant ? Quel bien a-l-il (ait ? Comment a-t-il régné ? Le peuple n’a connu la liberté (pie par le drapeau rouge. Le gouvernement, qui voulait étoull’er le génie de la liberté, n’a point quitté les armes dans cette monarchie ; et tandis qu’on égorgeait le peuple à Nancy, tandis qu’on félicitait Bouillé, on jouait dans Paris des scènes de sentiment que le crime froid avait préparées ; et I on disait au peuple, en le trompant et lui jetant quelques monnaies pour le toucher : Je voudrais avoir davantage ! Et cependant on vous a parlé d’un trésor remis à Septeuil, et de mandats sur l’étranger ; et Louis jouait presque l’indigence !

Louis outrageait la vertu. A qui paraîtra-t-elle désormais innocente ? Ainsi donc, âmes sensibles, si vous aimez le peuple, si vous vous attendrissez sur son sort, on vous évitera avec horreur ; la fausseté d’un roi qui travestissait le sentiment ne permettrait plus de vous croire ; on rougira de paraître sensible.

Mais quels soins occupaient Louis, lorsqu’après s’être ainsi promené dans Paris, il rentrait au palais ? Qu’on ouvre ses papiers. Des brigands étaient payés pour altérer l’esprit public ; la trahison empoisonnait tout, jusqu’aux applaudissements des tribunes, et jusqu’aux oreilles des citoyens dans les assemblées du peuple ; des espions étaient soudoyés ; et vous savez avec quel art, enfin, le système de la corruption était combiné.

On n’a point trouvé parmi les papiers du roi des maximes sages pour gouverner ; les droits de l’homme même, et rien qui pertuette au plus hardi sophiste de soutenir qu’il ait jamais aimé la liberté. Des projets pour abuser de la Constitution, pour la détruire ; voilà ce qu’on y trouve, voilà les objets de méditation du roi ; et pour quiconque sait réfléchir, sa conduite est d’accord avec ses principes, devenus publics.

Le peuple, bon et crédule, parce qu’il est sans ambition et sans intrigue, n’eût jamais haï le prince, si le