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se justifie d’avoir donné au roi le conseil de sanctionner le décret contre les prêtres fanatiques. Quel était donc un prince devant lequel on avait à se justilier de sa probité ! Et cet homme serait inviolable ! Tel est le cercle où vous êtes placés ; vous êtes juges, Louis accusateur, et le peuple accusé !

Je ne sais où vous mène ce travestissement des idées les plus claires de justice ! Le piège aurait été moins délicat, si Louis avait décliné votre juridiction. Ce déni de la souveraineté du peuple eût été la dernière preuve de sa tyrannie. Mais on a pu remarquer que le caractère du roi, depuis la Révolution, n’est point la résistance ouverte ; souple avec une apparence de rudesse et de simplicité, il a connu profondément l’art de diviser les hommes ; sa politique constante a toujours été de rester immobile, ou de marcher avec tous les partis, comme il semble aujourd’hui marcher avec ses juges mêmes pour faire envisager l’insurrection comme une émeute populaire et criminelle.

On altère facilement l’esprit d’une assemblée nombreuse, en intéressant ses passions fortes. Qui ne voit point que le même génie qui présidait autrefois à cette tyrannie simple et sinueuse préside encore à la défense de cette tyrannie ? On ne bravait point le peuple autrefois ; on ne vous brave pas non plus : on opprimait avec modestie ; on se défend de même : cette conduite vous fait éprouver plutôt une compassion, qui corrompt involontairement votre énergie, qu’un sentiment de persuasion. Quel est donc cet art ou quel est ce prestige des grands événements qui fait respecter les grands coupables ?

Mais il faut reprendre les choses dès le commencement, afin qu’on ne nous accuse pas d’avoir prononcé avec légèreté dans une aussi sérieuse affaire. Je ne suivrai pas la défense dans ses détails ; j’en suivrai l’esprit.

Je ne pense pas qu’on veuille vous persuader que le désir de soulager le pénible et de lui rendre sa liberté ait fait assembler les États en 1789. La nécessité d’abaisser les parlements, dont les prétentions irritaient l’orgueil du trône, le relâchement de l’économie et des finances, des