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la liberté. Contraignez-vous les propriétaires, chassez-vous les facteurs la terreur est l’excuse des marchands. Enfin, il vous manque cette harmonie sociale que vous n’obtiendrez que par les lois.

On ne peut point faire de lois particulières contre ces abus : l’abondance est le résultat de toutes les lois ensemble.

Mais si l’on voulait donner à ce grand peuple des lois républicaines, et lier étroitement son bonheur à sa liberté, il faudrait le prendre tel qu’il est, adoucir ses maux, calmer l’incertitude du crédit public ; car enfin, et je n’ose le dire, si l’empire venait à se démembrer, l’homme qui attache quelque prix à l’aisance se demande à lui-même ce que deviendraient entre ses mains des richesses fictives dont le cours serait circonscrit. Vous avez juré de maintenir l’unité ; mais la marche des événements est au-dessus de ces sortes de lois, si la constitution ne les consacre pas.

Il faudrait interroger, deviner tous les cœurs et tous les maux, et ne point traiter comme un peuple sauvage un peuple aimable. spirituel et sensible, dont le seul crime est de manquer de pain.

L’empire est branlé jusque dans ses fondements : la guerre a détruit les troupeaux ; le partage et le défrichement des communes achèvera leur ruine, et nous n’aurons bientôt ni cuirs, ni viandes, ni toisons. Il est à remarquer que la famine s’est fait surtout sentir depuis l’édit de 1763, soit qu’en diminuant les troupeaux on ait diminué les engrais, soit que l’extrême abondance ait frayé le chemin aux exportations immodérées. Vous serez forcés un jour d’encourager le laboureur à aménager ses terres, et à partager son industrie entre les grains et les troupeaux. Il ne faut pas croire qu’une portion de la terre étant mise en pàturages, l’autre portion ne suffira plus à nos besoins ; on aura plus d’engrais, et la terre, mieux soignée, rapportera davantage ; on tarira le commerce des grains ; le peuple aura des troupeaux pour se nourrir et se vêtir ; nous commercerons de nos cuirs et de nos laines. Il y a trente ans, la viande coûtait 4 sols la livre, le drap 10 livres, les souliers 50 sols, le pain 1 sou ; les pâturages n’étaient point défrichés ; ils