Page:Saint-Just - Œuvres complètes, éd. Vellay, I, 1908.djvu/416

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

et le signe sont en proportion dans la république. Les produits sont cachés ; les besoins sont sortis avec la tyrannie ; le signe a quadruplé positivement et relativement. On n’arrache qu’avec peine les produits des mains avares qui les resserrent. Voilà les vices du caractère public que nous aurons à vaincre pour arriver à l’état républicain ; car personne n’a d’entrailles, et la patrie est pleine de monstres et de scélérats.

Hâtez-vous de calmer ces maux, et d’en prévenir de plus grands. Ceux qui nous proposent une liberté indéfinie de commerce nous disent une très grande vérité en thèse générale ; mais il s’agit des maux d’une révolution, il s’agit de faire une république d’un peuple épars avec les débris et les crimes de sa monarchie, il s’agit d’établir la confiance, il s’agit d’instruire à la vertu les hommes durs, qui ne vivent que pour eux.

Ce qu’il y a d’étonnant dans cette révolution, c’est qu’on a fait une république avec des vices : faites-en des vertus ; la chose n’est pas impossible.

Un peuple est conduit facilement aux idées saines. Je crois qu’on a plus tôt fait un sage peuple qu’un homme de bien. Vous qui nous préparez des lois, les vices et les vertus du peuple seront votre ouvrage. Il est une sorte de mœurs dans l’État qui ne peut s’acquérir que par le temps. Il est des mœurs politiques qu’un peuple prend le même jour qu’il a des lois. Vous déciderez si le peuple français doit être conquérant ou commerçant ; c’est ce que je n’examine point ici ; mais vous pouvez en un moment lui donner une patrie ; et c’est alors que l’indigent oubliera la licence, et que le riche sentira son cœur. Je ne connais presque point de remèdes provisoires aux malheurs qui naissent de l’anarchie et de la mauvaise administration ; il faut une constitution excellente qui lie tous les intérêts. La liberté sans loi ne peut pas régir un État ; il n’est point de mesures qui puissent remédier aux abus, lorsqu’un peuple n’a point un gouvernement prospère : c’est un corps, délicat pour qui tous les aliments sont mauvais. Y protège-t-on la liberté du commerce des grains : on accapare en vertu de