Page:Saint-Just - Œuvres complètes, éd. Vellay, I, 1908.djvu/415

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

trait en circulation en plus ou moins grande quantité. Aujourd’hui on ne thésaurise plus. Nous n’avons point d’or, et il en faut dans un État ; autrement, on amasse ou l’on retient les denrées, et le signe perd de plus en plus. La disette des grains ne vient point d’autre chose. Le laboureur, qui ne veut point mettre de papier dans son trésor, vend à regret ses grains. Dans tout autre commerce, il faut vendre pour vivre de ses profits. Le laboureur, au contraire, n’achète rien ; ses besoins ne sont pas dans le commerce. Cette classe était accoutumée à thésauriser tous les ans, en espèces, une partie du produit de la terre ; aujourd’hui elle préfère de conserver ses grains à amasser du papier. Il résulte de là que le signe de l’État ne peut point se mesurer avec la partie la plus considérable des produits de la terre qui sont cachés, parce que le laboureur n’en a pas besoin, et ne met guère dans le commerce que la pertion des produits nécessaires pour acquitter ses fermages.

Quelqu’un ici s’est plaint du luxe des laboureurs. Je ne décide pas si le luxe est bon en lui-même ; mais si nous étions assez heureux pour que le laboureur aimàt le luxe, il faudrait bien qu’il vendit son blé pour acheter les superfluités. Voilà de funestes conséquences : je les abandonne à vos méditations, vous qui faites nos lois. Il faudra du luxe dans votre république, ou des lois violentes contre le laboureur, qui perdront la république. Il y a bien des réflexions à faire sur notre situation ; on n’en fait point assez. Tout le monde veut bien de la république ; personne ne veut de la pauvreté ni de la vertu. La liberté fait la guerre à la morale, pour ainsi dire, et veut régner en dépit d’elle.

Il faut donc que le législateur fasse sorte que le laboureur dépense ou ne répugne point à amasser le papier ; que tous les produits de la terre soient dans le commerce, et balancent le signe. Il faut enfin équipoller le signe, les produits, les besoins : voilà le secret de l’administration économique.

Or, considérez, je vous prie, si les produits, les besoins