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nons-nous des lois, n’attendons plus. Que nous importent les jugements du monde ? Ne cherchons point la sagesse si loin de nous. Que nous serviraient les préceptes du monde, après la perte de la liberté ? Tandis que nous attendons le tribut des lumières des hommes, et que nous rèvons le spectacle de la liberté du globe, la faiblesse humaine, les abus en tous genres, le crime, l’ambition, l’erreur, la famine, qui n’ajournent pas leurs ravages, nous ramènent en triomphe à la servitude. On croirait que nous défions l’esclavage, en nous voyant exposer la liberté à tant d’écueils. Nous courons risque de nous perdre, si nous n’examinons pas enfin où nous en sommes, et quel est notre but. La cherté des subsistances et de toutes choses vient de la disproportion du signe ; les papiers de confiance augmentent encore la disproportion, car les fonds d’amortissement sont en circulation. L’abime se creuse tous les jours par les nécessités de la guerre. Les manufactures ne font rien, on n’achète point, le commerce ne roule guère que sur les soldats. Je ne vois plus dans le commerce que notre imprudence et notre sang : tout se change en monnaie, les produits de la terre sont accaparés ou cachés ; enfin, je ne vois plus dans l’Etat que de la misère, de l’orgueil et du papier. Je ne sais pas de quoi vivent tant de marchands ; on ne peut point s’en imposer là-dessus ; ils ne peuvent plus subsister longtemps je crois voir dans l’intérieur des maisons les familles tristes, désolées ; il n’est pas possible que l’on reste longtemps dans cette situation. Il faut lever le voile personne ne se plaint, mais que de familles pleurent solitairement ! Vous vous flattez en vain de faire une république, si le peuple affligé n’est point propre à la recevoir.

On dit que les journées de l’artisan augmentent en proportion du prix des denrées : mais si l’artisan n’a point d’ouvrage, qui paiera son oisiveté ? Il y a dans Paris un vautour secret. Que font maintenant tant d’hommes qui vivaient des habitudes du riche ? La misère a fait naître la révolution : la misère peut la détruire. Il s’agit de savoir si une multitude qui vivait, il y a peu de