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besoin de développer des principes dont l’oubli nous a perdus. Le même vice a ébranlé le commerce et l’agriculture, et par la suite ébranlera toutes les lois. Si donc vous voulez que l’ordre et l’abondance renaissent, portez la lumière dans le dédale de notre économie française depuis la révolution.

Les maux de ce grand peuple, dont la monarchie a été détruite par les vices de son régime économique, et que le goût de la philosophie et de la liberté tourmentait depuis longtemps, tiennent à la difficulté de rétablir l’économie au milieu de la vigueur et de l’indépendance de l’esprit public.

Mais ce qui perpétue le mal, c’est l’imprudence d’un gouvernement provisoire trop longtemps souffert, dans lequel tout est confondu, dans lequel les purs éléments de la liberté se font la guerre, comme on peint le chaos avant la nature.

Examinons donc quelle est notre situation présente. Dans l’affreux état d’anarchie où nous sommes, l’homme, redevenu comme sauvage, ne reconnait plus de frein légitime ; l’indépendance armée contre l’indépendance n’a plus de loi, plus de juge ; et toutes les idées de justice enfantent la violence et le crime, par le défaut de garantie. Toutes les volontés isolées n’en obligent aucune ; et chacun agissant comme portion naturelle du législateur et du magistrat, les idées que chacun se fait de l’ordre opérent le désordre général.

Il est dans la nature des choses que nos affaires économiques se brouillent de plus en plus, jusqu’à ce que la république établie embrasse tous les rapports, tous les intérêts, tous les droits, tous les devoirs, et donne une allure commune à toutes les parties de l’État.

Un peuple qui n’est pas heureux n’a point de patrie ; il n’aime rien ; et, si vous voulez fonder une république, vous devez vous occuper de tirer le peuple d’un état d’incertitude et de misère qui le corrompt. Si vous voulez une république, faites en sorte que le peuple ait le courage d’être vertueux : on n’a point de vertus politiques sans orgueil ; on n’a point