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accuse à peine l’ennemi commun et que tout le monde, ou rempli de faiblesse ou engagé dans le crime, se regarde avant de frapper le premier coup. Nous cherchons la liberté, et nous nous rendons esclaves l’un de l’autre ! Nous cherchons la nature, et nous vivons armés comme des sauvages furieux ! Nous voulons la République, l’indépendance et l’unité, et nous nous divisons et nous ménageons un tyran !

Citoyens, si le peuple romain. après six cents ans de vertu et de haine contre les rois ; si la Grande-Bretagne, après Cromwell mort, vit renaître les rois, malgré son énergie, que ne doivent pas craindre parmi nous les bons citoyens amis de la liberté, en voyant la hache trembler dans nos mains, et un peuple, dès le premier jour de sa liberté, respecter le souvenir de ses fers ! Quelle République voulez-vous établir au milieu de nos combats particuliers et de nos faiblesses communes ?

On semble chercher une loi qui permette de punir le roi : mais dans la forme de gouvernement dont nous sortons, s’il y avait un homme inviolable, il l’était, en partant de ce sens, pour chaque citoyen ; mais de peuple à roi, je ne connais plus de rapport naturel. Il se peut qu’une nation, stipulant les clauses du pacte social, environne ses magistrats d’un caractère capable de faire respecter tous les droits et d’obliger chacun ; mais ce caractère étant au profit du peuple, et sans garantie contre le peuple, l’on ne peut jamais s’armer contre lui d’un caractère qu’il donne et retire à son gré. Les citoyens se lient par contrat ; le souverain ne se lie pas ; ou le prince n’aurait point de juge et serait un tyran. Ainsi l’inviolabilité de Louis ne s’est point étendue au delà de son crime et de l’insurrection; ou, si on le jugeait inviolable après, si même on le mettait en question, il en résulterait, Citoyen, qu’il n’aurait pu être déchu, et qu’il aurait eu la faculté de nous opprimer sous la responsabilité du peuple.

Le pacte est un contrat entre les citoyens, et non point avec le gouvernement : on n’est pour rien dans un contrat