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raisons, qu’on le veut préserver de l’agitation, le fortifier contre les malveillants. L’amour-propre du peuple a plus d’esprit que nous. Paris, sans doute, ne serait pas insensible aux moyens (comme le dit Buzot) de lui attacher les départements ; mais il ne peut point ne pas voir que le principe de votre institution l’attache aux départements par une chaîne oppressive des uns et des autres, plutôt qu’il ne l’unit à eux. Vous lui parlez de ses nombreux enfants, de ses lumières, de la concentration des vertus et des talents dans son sein, et puis vous lui parlez de vous faire garder par des soldats, et vous vous défiez de ces nombreux enfants, de ces vertus et de ces talents. qui vous gardent mieux que le fer contre les factions vous oubliez qu’une force étrangère est toujours oppressive où elle est ; elle viole le droit de la cité, qui ne peut légitimement être contrainte à subir un accroissement de force dans le magistrat, quand sa mesure de résistance reste la même.

Croyez-vous effrayer les agitateurs ? Vous leur fournirez, au contraire, de nouveaux prétextes d’agitation. Ce peuple vif et sensible écoutera toujours, avec complaisance, ceux qui lui parleront de sa liberté, la lui montreront compromise, lui rappelleront l’esclavage et ses combats, le sang de ses familles ruisselant autour des législatures, et scellant la liberté de tous les Français : on lui montrera la trace de son sang, et le lieu de ses victoires foulé par vos milices. Vos précautions seront le prétexte, sans cesse renaissant, de sa fureur et de l’anarchie. L’anarchie, citoyens, est la dernière espérance d’un peuple opprimé ; il a le droit de la préférer à l’esclavage, et se passe plutôt de maitres que de liberté.

Il écoutera toujours avec intérêt ceux qui lui parleront de ses malheurs, devenus sa triste et seule récompense. Paris est affligé ; toutes ses familles ont des enfants morts, d’autres dans les armées ; il voit avec douleur qu’on présente partout le crime errant dans ses murs, et qu’on lui attribue la nécessité des temps. Ne lui parlez point de ses glorieuses actions, de la tyrannie vaincue, cela n’est qu’un outrage délicat dans la bouche qui lui parle de soldats étrangers.