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suis présent aux réflexions particulières qui naissent dans les cœurs qui m’entendent. Le moment d’éclater n’est pas encore venu. Souvenez-vous qu’en nous prenant tels que nous sommes, le plus sûr, le plus délié moyen de ramener le peuple à l’esclavage, c’est de le fatiguer des crises de la liberté ; c’est de mettre sans cessse ce que l’on veut de grand à la place de ce qu’il faut de bien. Un moment encore, citoyens ; il faut laisser mûrir le crime, et je l’attends.

Ce n’est point tout ; craignez que votre milice, égarée dans ses jugements, et mise en garde contre la sagesse, par la vivacité de son caractère, ne vous fasse délibérer au milieu de la sanction des armes.

Cette institution, telle qu’on l’a présentée, aura nécessairement un esprit particulier ; cela est dans sa nature. Vous appelez des hommes de toutes les parties de la république ; vous concentrez autour de vous la force de l’État, tandis que la volonté de l’État sera concentrée en vous. Plaise à Dieu que cette force, qui pourra se croire une magistrature armée, pour soutenir la volonté du peuple, n’interprète point cette volonté, la voie toujours dans vos décrets, et ne se livre pas à son orgueil, remué par l’esprit des partis ! Cette institution ne fut-elle point destructrice de l’unité de la république et de votre sécurité, je dirais encore qu’il ne faut pas toujours se déterminer pour ce qui, étant bon en soi-même, cesse de l’être relativement. Osons tout voir et tout entendre, pour juger sainement des choses.

Paris n’a peut-être pas le droit de s’offenser que les représentants cherchent à étonner les factions, qui fermentent, dit-on, dans son sein : mais Paris, qui se croit à l’abri de la séduction, aussi bien que ceux qui viendront ici des extrémités de l’Empire ; Paris, plus instruit par ses malheurs, par la publicité de trois législatures, par les intrigues développées sous ses yeux ; Paris, jaloux de sa liberté et de sa gloire, n’aura pas plus de confiance dans les hommes armés, que vous n’en aurez eu dans les siens !

Il ne faut pas croire que Paris se puisse contenter de ces